Révélateurs.
- Bases chimiques - Compositions -

De prime abord, le mot "chimie" semblerait uniquement reservé à ces ingénieurs enfermés dans leur laboratoire, entre pipettes graduées et éprouvettes, manipulant d'inombrables substances et formules aussi mystérieuses que sans interet pour nous, ignorants en la matière, juste emerveillés par la magie de l'image photographique apparaissant dans ces différents bains dont la compositions nous est totalement inconnue.

Pourtant, l'acte de plonger un film ou une feuille de papier photo dans ces liquides, se trouve être déjà un interêt pour la chimie, le même qu'ont ces ingénieurs en blouse blanche avec une certaine sensibilité émotionnelle en plus.

Pour moi-même, la chimie en général, reste quelque chose de tout à fait abstrait et que seules plusieurs années d'études permettent d'en saisir le language codé...

En Photographie argentique, traditionnelle, artisanale, le réèl plaisir se trouve dans ce lien qui peut exister entre notre esprit nourri d'émotions, de souvenirs et la matière qui fait notre vie de tous les jours.
En effet, satisfaire notre besoin d'émotion, d'éxpression personnelle par une manipulation de matière simple, nous ramène à quelque chose d'authentique dont les outils de la technologie moderne nous privent de plus en plus tant ils nous assistent.
De ce fait, le laboratoire photographique en noir et blanc dégage et continuera de dégager pour longtemps encore, cette image de "temple de la magie" lorsque nous nous trouvons devant ces fioles, ces papiers, dans cette atmosphère particulière de ce local où l'émotion naît d'un jeu subtil entre nous-même, la lumière et la manipulation de substances étranges.

Aux origines de la Photographie, les révélateurs, ces liquides qui rendent visible l'image latente, étaient seulement constitués d'une ou deux substances chimiques très lentes ou très rapides. Les balbutiements en la matière rendaient l'étape de la révélation souvent laborieuse et difficile à maitriser...

En quelques années, de nouvelles formules vont voir le jour et offrir ainsi même en doses prêtes à l'emploi, les révélateurs modernes que nous connaissons encore aujourd'hui, à base de substances très diverses.

Bon nombre d'ouvrage sur la chimie photographique éxistent. Ils sont souvent longs et assez compliqués mais fort interessants. Je propose ici d'étudier en détail mais simplement, les composants essentiels et les plus souvents utilisés dans nos révélateurs modernes, leur rôle et le résultat obtenu suivant leur combinaison, leur dosage. Ainsi, il devient plus aisé de comprendre le processus du développement, ce qui se passe sur notre film enfermé dans la cuve étanche, durant ces quelques minutes souvent angoissantes.

Le traitement complet d'un négatif se compose de deux phases capitales qui sont dans un premier temps la révélation de l'image latente enregistrée sur le film, et dans un deuxième temps, le fixage dont le rôle est de débarasser le négatif des sels argentiques n'ayant pas servit à la constitution de cette image métalique. Je ne vais pas entrer ici dans les détails de ces étapes du développement.

La révélation de ce négatif est donc l'étape la plus importante du développement car c'est elle qui donne littéralement matérialisation à l'image négative, source de notre future épreuve papier. (Un mauvais tirage est souvent le résultat d'un négatif mal développé.)

Nos révélateurs d'aujourd'hui renferment PRESQUE tous les même bases chimiques. La seule différence réside dans le dosage de ces éléments, ayant chacun un rôle bien précis dans l'obtention d'un négatif plus ou moins contrasté, plus ou moins fin, etc...



Définitions

Dans un révélateur nous avons un développateur, un accélerateur, un conservateur et un anti-voile :


Le Développateur :

C'est lui qui fait apparaitre l'image. On parle de "réduction des sels d'argent" pour désigner ceci. Il est le constituant essentiel d'un révélateur. Sans lui, pas d'image.

Dans la famille des substances développatrices, nous avons :

- Le GENOL (métol, rhodol) : Se présente sous la forme de prismes ou aiguilles incolores très legers. Il possède la plus grande énergie réductrice. En revanche, si il fait rapidement apparaitre les détails et le modelé de l'image, son défaut majeur est de ne pas fournir une densité suffisante aux autes lumières du négatif. Le génol s'oxyde lentement et conserve son énergie même en très faible température ou forte dilution.

- L'HYDROQUINONE : Se présente sous la forme de longues aiguilles incolores encore plus legères que le génol. Pour palier le défaut du précèdent, de nombreux révélateurs au génol contiennent de l'hydroquinone, qui lui, donne plutot du contraste, de la densité aux hautes lumières du négatif. En revanche, en dessous de 18°C, l'hydroquinone s'affaibli considérablement.

Citons également La PHENIDONE : Son avantage, bien que non-indispensable, est d'augmenter la puissance des autres développateurs auxquels on peut l'associer. Le temps de révélation se trouve ainsi réduit à température égale.


L'Accélérateur :

La révélation a pour effet de liberer de l'acide bromhydrique. Or, les développateurs hormis le génol, sont éfficaces uniquement en milieu alcalin. Pour ne pas paralyser l'effet de l'hydroquinone, il faut donc ajouter à notre révélateur un alcali afin de maintenir un P.H. élevé tout au long du développement.

-LA SOUDE CAUSTIQUE : Fortement alcaline, la soude caustique fournira des images fortement contrastées.

- Le CARBONATE de POTASSIUM : Se présente sous la forme de petits grains blancs de 0.5 à 1mm de diamètre, très solubles dans l'eau. Principalement employé dans les révélateurs d'aujourd'hui, il produit, grâce à l'eau du révélateur, une libération progressive de soude caustique, maintenant ainsi une alcalinité constante et suffisante tout au long du développement.

- Le BORAX : Se présente sous la forme de petits cristaux blanchâtres, peu solubles dans l'eau froide. Cet accélérateur, faiblement alcalin, est fréquement retrouvé dans les révélateurs dits "compensateurs", à grain fin, nécessitant un faible PH comme l'ILFORD ID-11 ou le KODAK D-76. Le Borax est souvent additionné d'acide borique, afin de stabiliser l'alcalinité du révélateur.

- L' ACIDE BORIQUE : Annalogue au BORAX sous sa forme de petits cristaux. Il n'est pas un accélérateur à lui tout seul, mais on l'emploi, comme cité ci-dessus en complément du BORAX afin de constituer un ensemble "tampon".



Le conservateur :

Les substance développatrices comme le Génol et l'Hydroquinone doivent être préservées efficacement de l'action oxydante de l'oxygène de l'air et de l'eau. Une substance conservatrice doit donc être ajoutée au révélateur afin d'en prolonger sa durée de vie et son éfficacité.
- Le SULFITE DE SODIUM : Se présente sous la forme d'une très fine poudre de cristaux blancs, de masse assez importante. C'est majoritairement lui qui joue ce rôle de conservateur dans nos révélateurs modernes. Le SULFITE DE SODIUM capte l'oxygène avant qu'il ne se fixe sur les substances développatrices et les rende inactives. Il se transforme ainsi en sulfate de sodium, inofensif et même bénéfique pour le révélateur car il a la proprieté d'empêcher le gonflement et le décollement de la gélatine qui compose la fragile émulsion dans laquelle l'image se forme.
De plus le SULFITE DE SODIUM élimine la forme oxydée de la substance développatrice qui sert à révéler l'image latente tout au long de la révélation, ce qui permet de régulariser encore plus le développement.
Enfin, le SULFITE DE SODIUM possède une action solvante sur les cristaux d'argent de l'émulsion très appréciable dans les révélateurs "grain fin". En effet, un grain d'argent métallique d'une taille donnée, réduit par la substance développatrice, est partiellement dissout par le SULFITE DE SODIUM en un complexe argentique lui même réductibe aux alentours du grain d'argent originel. Notre grain d'argent de départ à donc vu sa taille réduire mais la densité du négatif s'en trouvera inchangée car la partie dissoute du grain d'argent de départ à été réduite également. Voila ce qui éxplique la finesse de granulation produite.




L'anti-voile :

Les microscopiques cristaux sensibles de l'émulsion, appelés halosels d'argent, n'ayant reçu aucune lumière dans les ombres du négatif, peuvent par l'action énergique des substances développatrices (génol, hydroquinone, etc.) produire un voile chimique parasite, un grisaillement général de l'image. Pour remèdier à ceci, on additionne un anti-voile au révélateur, un composé chimique capable de préserver les halosels d'argent non-impressionnés de ce voile génant.
- Le BROMURE DE POTASSIUM : Se présente sous la forme d'une poudre de cristaux blancs extrêmement fins, gourmands en humidité, pouvant provoquer une cristalisation générale en un seul morceau. A conserver au sec donc. L'action du BROMURE DE POTASSIUM est d'empecher les substances développatrices d'agir sur les halosels d'argents n'ayant pas subit de transformation par la lumière en leur apportant des ions Bromure. Une sorte de barrière chimique est ainsi levée aux substances développatrices. Une trop forte concentration en BROMURE DE POTASSIUM retarde
l'apparition de l'image. La rapidité initiale de l'émulsion employée baisse sensiblement car les détails dans les ombres ne sont plus révélés étant donné l'action protectrice du BROMURE DE POTASSIUM sur les halosels d'argent pas ou très peu impressionnés.

- Le BENZOTRIAZOL : Beaucoup plus utilisé de nos jours dans les révélateurs que le BROMURE DE POTASSIUM. Il dispose en moindre quantité, des même proprietés que le bromure.


Complément :

Bien d'autres composés chimiques sont utilisés dans les révélateurs modernes. Ici, je me contente pour l'instant de parler de celui-ci :
- Le SULFOCYANURE DE POTASSIUM (Complément du Sulfite de Sodium) : Se présente sous la forme d'une très fine poudre de cristaux rosés, très gourmands en humidité provoquant une cristalisation en masse assez dure si il n'est pas conservé en milieu sec. Son nom peut faire peur de prime abord par le mot cyanure. Mais le SULFOCYANURE DE POTASSIUM n'est pas plus dangereux que les autres substance chimiques citées dans cette page. Evidement, il ne vaut mieux pas en ingerer... Le SULFOCYANURE DE POTASSIUM est un veritable solvant de l'argent. Il est donc employé dans les révélateurs grain fin, et dans les bains pour inversion afin d'obtenir une diapositive. Cependant, les révélateurs qui contiennent du SULFOCYANURE ne se conservent que très peu de temps.



Etablissement d'une formule de révélateur

Maintenant que nous avons vu les différents éléments, les différentes bases chimiques employées dans un révélateur courant, nous allons établir une formule de révélateur standart dans un premier temps, c'est à dire destiné à fournir un négatif à contraste moyen, avec une granulation moyenne :

Tout d'abord pour un litre de révélateur, prenons 800ml d'eau à 45°c. La température de l'eau est très importante pour la dissolution des bases chimiques afin d'obtenir une solution finale bien homogène, sans coagulation irréversible.
Voici donc le shéma préalable de notre futur révélateur standart :

- Eau
- Développateurs
- Conservateur
- Accélérateur
- Anti-voile

A nos 800ml d'eau, nous allons donc ajouter nos développateurs. du Génol pour les détails et le modelé, de l'Hydroquinone pour le contraste et la densité. En règle générale, pour un révélateur standart comme nous projetons de le faire, les proportions Génol/Hydroquinone sont 1:2.5 , c'est à dire que pour 1 gramme de génol, il nous faudra y ajouter 2.5 grammes d'Hydroquinone. Dans le cas présent, pour 1 litre de révélateur, nous ajoutons 2 grammes de Génol. Nous devrions alors y mélanger 5 grammes d'Hydroquinone, mais reservons-le dans une petite capsule pour un peu plus tard.

Dans notre éprouvette, nous avons donc 800ml d'eau et 2 grammes de Génol bien dissout.

Ajoutons à présent le conservateur qui préservera notre Génol et plus tard l'Hydroquinone de l'oxydation. Ici le Sulfite de Sodium à raison de 35 grammes pour 1 litre de révélateur.

Après avoir bien remué la solution, dans notre éprouvette, nous avons 800ml d'eau, 2 grammes de Génol et 35 grammes de Sulfite de Sodium bien dissout.

Il est temps maintenant d'ajouter les 5 grammes d'Hydroquinone que nous avions réservé précédement dans une capsule.

L'Hydroquinone est un peu plus long à dissoudre que le Génol.

/!\ Il faut bien attendre la dissolution COMPLETE de chaque base avant d'ajouter la suivante.

Pour que les développateurs agissent, il nous faut maintenant l'accélérateur. Pour cela, nous allons employer le Carbonate de Potassium : 25 grammes pour 1 litre de révélateur.

Après dissolution de l'accélérateur, il nous manque l'Anti-voile afin de préserver notre future émulsion à révéler d'un grisaillement parasite provoqué par l'accélérateur alcalin : 1 gramme de Bromure de Potassium.

Voici donc le résumé shématisé de notre révélateur moyen :

- Eau 800ml
- Génol 2 grammes : Développateur (détails, modelé)
- Sulfite de Sodium 35 grammes : Conservateur
- Hydroquinone 5 grammes : Développateur (contraste, densité)
- Carbonate de Potassium 25 grammes : Accélérateur
- Bromure de potassium 1 Gramme : Anti-voile

N'oublions pas enfin d'ajouter le complément d'eau pour obtenir un litre de révélateur concentré (environ 200ml).


Variations du dosage en fonction du résultat attendu.

A titre d'éxemple, voici une seconde formule où, après observation, nous pouvons deviner quel tendance elle va donner à notre négatif :

- Génol 1g
- Sulfite de Sodium 75g
- Hydroquinone 9g
- Carbonate de Potassium 25g
- Bromure de Potassium 5g

Le rapport Génol/Hydroquinone est ici monté à 1:9 ! Ceci présage un contraste élévé par la prépondérance de l'Hydroquinone, substance développatrice du contraste et de la densité. En contrepartie, la proportion de Sulfite de Sodium à été également augmenter afin de maintenir une certaine finesse de grain et une protection éfficace du révélateur alcalinisé par le Carbonate de Potassium. Enfin, la forte teneur en Bromure de Potassium est destinée ici à freiner l'apparition du voile chimique provoqué par l'alcalinité du révélateur melée à la forte proportion d'Hydroquinone. Nous pouvons donc en conclure que ce révélateur est destiné à l'obtention d'un négatif contrasté à grain moyen.

Observons à présent la formule du révélateur Kodak D-76 qui est la même que l'ILFORD ID-11 :

- Eau 1000ml
- Génol 2 grammes
- Sulfite de Sodium 100 grammes
- Hydroquinone 5 grammes
- Borax 2 grammes

La proportion Génol/Hydroquinone est ici de 1:2.5 offrant un compromis contraste/modelé normal. La forte proportion de Sulfite de Sodium et la faible concentration en accélérateur moyennement alcalin (Borax) indique un pouvoir réducteur lent. Le temps de révélation sera donc relativement long. Cette forte teneur en Sulfite de Sodium favorisera la production d'une fine granulation à laquelle la faible alcalinité du bain n'offrira aucun obstacle. Observons aussi la très bonne conservation de ce révélateur, dûe à la forte présence de Sulftite de Sodium. Notons enfin l'abscence d'Anti-voile. Celui-ci est en effet inutile car ce révélateur est peu énergique. En conclusion, nous pouvons dire que ce révélateur demande un temps de révélation assez long, mais produit des clichés bien détaillés, sans contraste excessif, et des images de fine granulation. Voici les mystères de l'ID11 et du D76 enfin résolus...


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